Alertoplum

Lit cage... et autres couchages incertains

 

L'Echange des princesses - Chantal Thomas L'Echange des princessessource : http://www.re-enactmentshop.com/p_16th-17th_century.htm - retraitée par nos soins

 

La fable a repris ses droits. Le roi l'aime comme elle l'aime - pour l'éternité. Et quand enfin elle atteindra ses douze ans et sera assez grande pour donner un enfant à la France, ils s'aimeront comme s'aiment ses parents, sans jamais quitter leur lit. "Mais alors, interroge l'infante, dans quel lit dormirons-nous ? Le lit du roi ou le mien ?"

Elle pose la question à Mme de Ventadour, à Marie Neige, à l'abbé Perot, son maître d'écriture, à son maître de musique à ses dames, à ses servantes. Quelqu'un finit par lui répondre :

"Vous dormirez dans tous les lits, Votre Majesté."

- Tous les lits de Versailles ?

- Oui, tous.

- Et aussi les lits de Meudon, Marly, Fontainebleau, Chantilly, La muette ?

- oui vous dormirez avec le roi dans tous les lits possibles et imaginables. Lits de plume et de verdure, lits suspendus, lits flottants, tapis de mousse..."

L'infante sourit.

Chantal Thomas - L'échange des princesses - Seuil - 2013

 

En 1721, Philippe d’Orléans est Régent de France. L’exercice du pouvoir est agréable, il y prend goût. Surgit alors dans sa tête une idée de génie : proposer à Philippe V d’Espagne un mariage entre Louis XV, âgé de onze ans, et la très jeune infante, Anna Maria Victoria, âgée de quatre ans ? qui ne pourra donc enfanter qu’une décennie plus tard… Et il ne s’arrête pas là : il propose aussi de donner sa fille, Mlle de Montpensier, comme épouse au jeune prince des Asturies, futur héritier du trône d’Espagne, pour renforcer ses positions et consolider la fin du conflit avec le grand voisin. La réaction à Madrid est enthousiaste, et les choses se mettent vite en place. L’échange des princesses a lieu début 1722, en grande pompe, sur une petite île au milieu de la Bidassoa, la rivière qui fait office de frontière entre les deux royaumes. Tout pourrait aller pour le mieux. Mais rien ne marchera comme prévu…

Et les deux petites princesses devront quitter leur lit d'enfant pour connaître bien des couches... (royales ou pas...)

 

 


  •                      Lit cage... et autres couchages incertains.....
Murs d'un gris douteux. Grand désert alentour : aucune âme qui vive .A travers une fenêtre de grande hauteur, j'arrive à percevoir la faible lueur de vieux réverbères. Une affiche touristique en face de moi vante les plaisirs d'une virée en Slovaquie. Une porte tout aussi grise sur ma gauche et une simple ampoule au-dessus de ma tête : je me demande ce que je fiche dans cet endroit lugubre. Seul le mouvement de mes yeux, mouvement en accéléré qui contraste avec ma position d'immobilité, ne cesse de parcourir l'espace plutôt restreint au demeurant, autant dire que le tour est vite fait. Je ne comprends pas où je suis, à ceci près, celui du navrant constat d'être dans un lieu peu réjouissant.

Partout la nuit, et encore plus profonde dans cette chambre. car oui il faut bien se rendre à l'évidence, c'est bien d'une chambre dont il s'agit et qui ressemble fort à celle d'un hôpital et je dois dire que de ce côté là, la réponse à la devinette est de courte durée. Point de dessin à l'appui et position de rigueur requise : en décubitus dorsal dans un lit un peu haut à mon goût, encadré de quelques barreaux pour éviter les chutes et sous des couvertures qui ont dû être blanches par le passé.

Dans un premier temps je décide quelque exploration et part à la reconnaissance de mes différentes parties qui ont le privilège de constituer mon être, et qui je l'espère me redonneront quelque unité à défaut de quelque origine. Puisque j'en suis là, et à présent devant cette deuxième évidence : je ne me souviens de rien. C'est le vide total. Non seulement je ne me souviens de rien mais plus grave encore, et la chose ira en s'aggravant jusqu'à la terrible question, celle de savoir qui je suis.

Cri intérieur, détresse en partage. Que faire? Quelle prière et à quel Dieu?
Surtout ne pas perdre le nord et ne pas s'agiter. Mot d'ordre: rester calme autant que faire se peut.
D'abord fermer les yeux et respirer. C'est cela, respirer. Une bonne inspiration suivie d'une longue expiration n'a jamais fait de mal à personne. Je dois trouver les moyens de ne pas céder à la panique.

Soudain la porte s'ouvre dans un sale grincement et une mastodonte au sourire édenté fait une entrée fracassante, entrée accompagnée d'une irruption non moins instantanée d'une lumière blafarde au-dessus de ma tête.
- Alors vous v'là enfin réveillée la p'tite dame. Vous nous avez fait rudement peur vocifére-t-elle en se penchant sur moi et en insufflant une haleine fétide..
Bon celle-là, je vais la faire baisser d'un ton me dis-je ressentant subitement une immense fatigue mais horreur au moment même où je décide de riposter, aucun son ne sort de ma bouche . La situation dans la quelle je suis plongée, plongée directe, est bien plus compliquée que ce que je pressentais. Je suis, c'est le cas de le dire, dans de sales draps!

 Catherine

 

 

 

 

Ma belle-mère étant venue passer le week-end du premier mai avec nous à l'Etang la Ville, je lui avais laissé ma chambre, mon lit et j'avais pris le chemin du nouveau convertible trônant depuis peu dans le salon;

une nuit avec les ressorts enfoncés dans les omoplates, à tourner, retourner, déplacer la douleur, chercher la douceur, se plier, se déplier, chercher éperdument une zone plus tendre, un support plus souple pour la nuque, un nichage arrondi pour les fesses : mission impossible. C'était pire que le lit à clous d'un fakir, le support de martyrisation ciblée d'un Saint Sébastien transpercé, criblé de flèches. Je renonçais à dormir. Je me suis levée épuisée, contrite, baillante, contractée, hirsute. En silence, pour ne pas réveiller le reste de la maisonnée et redonner au convertible une plus accueillante assise,j'enlevais draps et couverture dans le salon à peine éclairé par la petite lampe chinoise. le chat, bien posé sur son séant, suivait, très étonné, mon étrange agitation nocturne et, sans doute pour m'aider, sauta à l'intérieur du mécanisme seulement à demi replié. Tout content dans sa petite maison fermée, il faisait l'expérience provisoire de l'enfermement volontaire comme un bébé tigre innocent dans ses premiers jours de captivité au zoo. Je le suppliais à mivoix de sortir de là.j'y allais doucement, pour ne réveiller personne. Il était sourd à mes encouragements me dardant de ses petits yeux verts brillants dans la pénombre. Ne pouvant monter le ton mon vocabulaire pris une ampleur méchante jusqu'à un fatal "sale bête, tu sors de là oui ou non ? je m'en fous. Si tu ne sors pas immédiatement je referme le canapé et tu seras transformé en chair à pâté, justement en bouillie pour les chats, j'en ai rien à foutre" et je fis mine de fermer le mécanisme. Il ne me croyait pas et ne bougeait toujours pas me narguant de ses jolis petits yeux lumineux. C'en était trop. Epuisée par un week-end avec ma belle-mère, ma nuit blanche et la mauvaise volonté de la bestiole, d'un geste sec je relâchais la barre de métal pour que le mécanisme accomplisse l'horrible besogne.C'est à ce moment-là que voyant ma détermination, le chat jaillit comme un boulet de canon et enfonça ses griffes dans mon bras.

Je suis sure que ma belle-mère passa une excellente nuit. 20 ans après je garde toujours au poignet la petite ligne blanche de la cicatrice. le chat s'appelait Blue velvet. Velours bleu, tu parles !

Mo

 

 

Il faisait une nuit d’encre quand j’arrivai devant le manoir fermé à double tour. Je tâtonnai pour trouver la clé. Les instructions étaient claires : elle était dissimulée dans une anfractuosité du mur. Je voyais à peine mes mains désespérant d’errer dans des fentes moussues et humides. Enfin je la trouvai quand les pleurs d’un enfant, derrière les volets clos, vinrent à ma rencontre. Ces pleurs étaient familiers. Je mis encore du temps à trouver la serrure, trop de hâte maladroite à y introduire la clé froide et mince. La porte s’ouvrit. Je montais quatre à quatre un escalier très sombre. L’enfant était dans un berceau, pourtant il devait avoir trois ou quatre ans. Je le reconnus mais sans pouvoir le nommer. Il pleurait avec douceur maintenant, tout en souriant. Je le berçais toute la nuit tout en lui chuchotant des paroles en italien, car c’était notre langue commune et peut-être natale. Je m’allongeais dans un hamac que je déployais au dessus du berceau et nous nous balançâmes de concert ne sachant plus s’il fallait rire ou pleurer.

Arnoul      

 

 

 

 

Tôt le matin, Miranda la rouquine ou pour ses potes "Tratrocuit", chaussée de ses converses l'une rouge, l'autre verte à la mode du moment, "prairie printanière" ,affublée de son short plus short que short, son joli petit tee-shirt découvre-nombril, et cerise sur la minette, son foulard bien criard mille fois entortillé autour de son cou, Miranda donc, ce matin-là jette un dernier coup d'oeil dans la maison. Tout est nickel, bols sur la table, un petit, un moyen, un grand, les chaises en rang d'oignon, une petite, une moyenne, une grande, et les lits, petit, moyen et grand bien ficelés dans leurs couettes. Elle franchit le pas de la porte du pavillon sis dans un coin de banlieue du 9.3. Non, elle n'avait pas oublié de transformer son regard d'ex-enfant : Mascara, ombre à paupières, allonge cils tout y est passé et le résultat est à tomber : yeux de biche plus vrais que nature... Les parents sont au boulot et les frères aux leurs, ils refont le monde adossés à un arbre en attendant que demain soit un autre jour.. elle est rassurée. La journée s'annonce semblable à toutes les autres, et Miranda, ça ça la gonfle. Du fun que diable. Elle s'essaie bien un peu de rouler ses hanches, fais de ses petits pas des allers et retours en sainte nitouche devant une bande d'ahuris, ahuris oui mais heureux, ils n'en attendaient pas tant, du coin de l'oeil ils surveillent le malicieux manège. Dans sa tête, mais pas que, Miranda sent scintiller une voie lactée entière plus toutes les planètes, ça gravite, ça gravite. Satisfaite et victorieuse elle file à la maison, il est plus que temps. Ca a scintillé d'accord, mais ça n'est pas une raison, mon bol, il n'est plus à sa place mon bol, elle hume le bol, ça n'est pas que du chocolat, et ma chaise, tiens tiens quelqu'un a posé son gros , c'est encore tout chaud, et mon pageot...
bingo elle s'y enfourne avec délice, ça virevolte, ça tangue, ça s'arrête, ça recommence... Merci mon short, mes yeux de biche, mes converses et vive mon pageot !
Marie. Mad.

 


 

LE SOFA

 

 

Comme chaque soir depuis deux ans, il n’était plus question pour moi de sortir. J’étais enfermée jusqu’au prochain jour, dix heures. Le personnel arriverait certainement à neuf heures. Ce soir, je devais partir à la recherche de mon espace de sommeil sans faire tintinnabuler toutes les alarmes.

 

C’est au sous-sol que se trouvaient les objets en réfection. La conférencière nous l’avait indiqué en passant devant une monumentale porte. Elle l’avait entrebâillée et je n’en avais pas cru mes yeux. Une caverne d’Ali baba. La chef du personnel, pour sa part nous avait indiqué que nous n’avions pas besoin d’aller ici... Cet espace, tout en voûtes et volutes, où avait été disposé des tapis, des soieries, des pashminas, me fascinait.

 

Je rêvais de me glisser dans la peau d’Alexandra David Néel qui en 1924, brava les interdits et se rendit au Népal puis au Tibet. Ce soir, cette nuit serait unique. Un jour, je serai une aventurière, mais ce soir, je poussais la dite porte et avançais d’un pas sûr vers mon inconnu.

 

Sous une alcôve, je découvris ce sofa étiqueté : provenance Inde/Tibet, années trente, propriétaire inconnu. Il était composé de quatre pieds robustes en bois rond et ciselé. Je pus y voir des inscriptions. La structure était tissée simplement avec ce qui me semblait être des lanières de peau de bêtes. J’y déposais quelques coussins en fil de soie et d’or. Mon paradis nocturne n’attendait que mon corps pour épouser ma forme humaine ou ce qu’il en restait.

 

La bouilloire de la restauratrice d’art et son thé vert Gundpowder fit office de repas où devrais-je dire de narcoleptique, car je sombrais immédiatement dans un profond et délicieux rêve. J’avais pris soin de déposer ma blouse et mes tatanes offrant ma presque nudité au cachemire d’un châle enveloppant où je me lovais tel une panthère. Ma nuit fut riche de paysages inventés, d’histoires reconstituées par mes deux années en ethno-médecine faisant resurgir les moindres détails de ces Everest gravis et de ces chaînes indomptées.

 

A six heures du matin je fus réveillée par le système de ventilation protégeant les antiquités. Je revêtais mon costume du moment et reprenais mon travail en poussant interminablement, l’aspirateur professionnel,  au travers de toutes les salles du musée Guimet. Cinq années de ménage plus tard, j’avais financé mon doctorat et avait brillamment obtenu le poste de chercheuse de l’INREES.

 

En mission au Tibet, je me rendais au monastère du Dalaï  Lama. Le moine Nan Janh Su me fit visiter le monastère et la chambre sacrée. Il m’indiqua le sofa, et avec beaucoup de reconnaissance m’informa qu’il avait été rendu par le musée Guimet quelques années auparavant.

 

Je m’approchais et pu lire les inscriptions sur un des pieds ciselés que je savais aujourd’hui reconnaitre et traduire.

 

« Om Mani Padmé Hum » sorte de pierre philosophale bouddhiste, mantra national des souhaits.

Marylène

 

 

                                                         

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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