Jean-Philippe Toussaint, Florence, 2013
Watt ? |
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Dans le dernier livre de Jean-Philippe Toussaint L'URGENCE ET LA PATIENCE, l'auteur est subjugué par une phrase extraite du livre de Beckett, WATT : "Au mur, à un clou, tel un pluvier pendait un ravanastron" . Il va chercher une explication auprès de Jerôme Lindon qui lui promet de demander directement à Beckett...mais rien ne vient... et de conclure son chapitre par ces mots :
" En la lisant attentivement je pouvais imaginer ce qu'elle était censée décrire, je pouvais imaginer un mur, je pouvais imaginer un clou sur ce mur, mais, ne sachant ni ce qu'était un pluvier ni ce qu'était un ravanastron, l'image qui commençait doucement à naître dans les brumes ouateuses de mon esprit restait purement abstraite, pur vertige de rythme et de sonorité, cliquetis mental de couleurs et de consonnes - la littérature, mes agneaux."
Dictionnaire de musique, Léon et Marie Escudier, 1872: RAVANASTRON. Instrument à archet, d’origine indienne, composé d’un cylindre de bois de sycomore creusé de part en part ; sur un des côtés est tendue une peau de serpent qui forme la table d’harmonie. Une tige de bois qui traverse le cylindre forme manche. Il porte deux cordes.
"Au mur, à un clou, tel un pluvier pendait un ravanastron"
Ravanastron dont les couleurs vives, lumineuses étaient comme des éclats de voix, des sons harmonieux, des murmures charmeurs. Elle tendit l'oreille pour saisir les messages secrets quand ses yeux furent atirés par ce qui semblait être un frôlement, un léger signe de vie. Ebahie, intriguée elle resta immobile et sut que, dsormais, ce serait auprès de ce ravanastron qu'elle viendrait se consoler.
Marie-Madeleine
Au mur, un crochet, telle une carcasse éventrée pendait un lapin rose éviscéré ! Il était nu, irrisé et luisant, sans sa fourrure qui séchait à ses pieds, étendue au soleil sur un cabassot renversé afin de laisser l'air passer entre les lattes de bois léger.
Anne
Au mur, à un clou, pendait un ravanastron jaune à côté du pluvier bleu. Cela faisait un joli tableau. Elle décida de le peindre. Mur blanc, pluvier bleu, ravanastron jaune, c'était du meilleur effet. D'autant plus que le ravanastron aurait pu être vert ou même noir. Celui-là était jaune, jaune d'or. Elle était enchantée et derechef elle chercha peintures et chevalet. Elle prit une feuile ouvrit sa mallette : pas de jaune ni de bleu. "Tant pis, décida-t-elle, le ravanastron sera rouge et le pluvier orange."
Claire
C'était dans la chambre aux murs blancs, le seul objet qui se détachait comme une relique ancienne qu'elle avait toujours voulu garder sous le yeux. De son lit, lorsque les rayons matinaux venaient frappe paresseusement ses paupières, c'était la première chose sur laquelle se posait son regard. Elle entrouvrait à peine les yeux, encore embué de rêves, et laissant venir à elle cette forme encore indécise et colorée qui l'appelait à la réalité du jour qui cmmençait. Alors par degrés, le rouge sang prenaient des contours plus précis et la tache sur le mur grandissait et s'ornait de souvenirs brumeux d'abord puis frappés d'un rayon plus luisant, aigu omme une lame et qui, chaque jour, faisait saigner son coeur. Elle fermait les yeux comme pour contenir cette douleur trop grande.
Olivier
Au mur dans un cahier pendait un dessin jaune comme un citron
c'est un coucou déplumé pensait le petit garçon
Pour sûr, dans sa gaité il commença sa chanson
sa voix, tout à coup, archet ravi d'au moins cinq cent sons
parla du loup dans un igloo empli de petits glaçons
et de phoques jusqu'au licou gelés jusqu'à leur plastron
pendant qu'au mur, tel un plumier penchait le ravanastron
MO
L'objet incongru de mon univers familier m'intrigua. Pourquoi pendait-il là ? Pour laisser passer le vent et tinter chaque fois que la porte s'ouvrirait, créant une harmonie de sons plus ou moins longues selon la force du vent. Le pluvier qu'en d'autres cieux je nommais perroquet s'en trouvait tout bizarre, comme si le ravanastron lui faisait un masque. Je finis par le décrocher et le posai sur mes genoux laissant mes doigts courir sur l'instrument. Un son assourdi, métallique m'empora vers l'Inde ancienne quand les maharadjas tenaient cour dans leur palais de dentelle. Je vis les musiciens qui l'entouraient: le flutiste, le percussioniste, le joueur de ravanastron. Je vis une jeune femme de son gynécée apparaître, vêtue de voiles roses et portant une perle rose au milieu du front, des bracelets d'or fin et d'ivoire, une large ceinture sous la poitrine balancer son corps sur les coups sourds de l'instrument. Le maharadja, conquis, fit signe à ses hôtes de prendre place en cercle et, comme envouté par sa belle, dodelinant de la tête et agitait mollement sa main ornée de rubis et saphirs. Un soleil orange nimbait le palais et quand le ravanastron du pluvier sonna encore une fois, je sursautai, tirée de ma vision par ce son nouveau.
Lise-Noêlle