Drapeau de la Mongolie. | Armoiries de la Mongolie. |
La Mongolie, à l’extrémité orientale des steppes d’Asie centrale, loin de toute mer, est un écrin de steppes et de forêts, de montagnes reculées et de plaines arides. On y voyage des jours entiers sans croiser âme qui vive. En parcourant à cheval ou en Jeep les distances immenses de ce plateau d’altitude, on peut voir des antilopes, des loups, des chevaux en liberté, des yacks, des chameaux, des lacs par centaines, des villages isolés, de chaleureux campements de yourtes, la taïga …
Les Voyelles D’Arthur Rimbaud
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges ;
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
En Mongolie pendant le Tsaagan Sar, le mois blanc, on mange blanc. Dans tous les foyers un autel est confectionné à base de pain rassis, de gâteaux secs, de morceaux de sucre et de fromage séché…
Imaginez ce pays blanc avec les mots « blancs » de Rimbaud : E blanc : Emir, Etendard, Esclave, Enclume… Golfes d'ombre ; candeurs des vapeurs et des tentes. Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles.
MONGOLIE
Le blanc boursoufflé des congères entre les collines ponctuent de céruse et de golfes d’ombre, le paysage immobile. Au milieu de cette totale candeur de vapeurs et de tentes, une yourte grège fait le dos rond. C’est un presque Sahara, lavé d’hiver, aux couleurs absorbées par le gel. Les rideaux de feutre de la yourte s’agitent et apparait une blanche-neige aux yeux bridés. Elle s’appelle Sar. Elle a quinze ans. Sar veut dire blanc. C’est sa fête demain, le premier jour du mois de Tzaagan sar. Elle mangera le gâteau de sucre et de miel, celui qui attend sur l’autel des ancêtres depuis quelques jours.
La lumière l’éblouit. Elle met sa main au dessus des yeux pour distinguer dans l’océan blanc l’enclos où les chèvres sont serrées les unes contre les autres. Elle sait que quelque part, un loup famélique les reluque avec envie. Elle doit faire un tour de garde toutes les heures. Elle marche en appuyant lourdement ses bottes pour inscrire dans la poudreuse une trace suffisante pour retrouver son chemin de retour et pour entendre couiner ces bottes, comme des bêtes dans la neige. Elle chante pour se donner du courage, pour faire fuir le loup et pour que son souffle chaud fasse fondre le gel accroché à ses cils. De grands piquets avec des étendards déchiquetés tout en haut signalent la présence de l’enclos. Elle tourne une fois, deux fois, trois fois en émettant un petit claquement de langue, pour signaler sa présence apaisante au troupeau. Elle fait une danse autour du totem animal dans un sens puis dans l’autre comme pour conjurer le grand émir du froid qui règne en maître. Petit jardin animalier au milieu de l’étendue des glaciers fiers et hostiles.
Quand elle sait que les bêtes sont habituées à sa présence, elle pénètre dans l’étable fragile où les corps des bêtes ont des frissonnements d’ombelles. Elle enlève ses moufles de peau brodées, décroche le seau de plastique bleu et va traire la grosse chamelle de Bactriane, enveloppée dans son gros manteau de poil d’ambre clair. Il lui reste bien peu de lait. Juste assez pour nourrir bébé Kaddham et la grand-mère qui, avec les trois dents qui lui restent, machonne les lanières de viande pendant des heures.
Sar revient lentement à la yourte avec son chargement précieux. Elle donne des petits coups de pieds dans la neige pour chercher la trace des touffes d’herbe cachées. Le printemps n’est pas si loin. Elle ne sait pas vraiment si elle est contente. Ce sera le retour des hommes, le départ dans les steppes pour la saison nomade, la vente des bêtes au marché et aussi le mariage avec ce cousin inconnu, employé des postes à Allam-Koupour, à qui son père l’a fiancée sans vraiment lui demander son avis…
MO
DES BLANCS A L'AME
Ombelles sondent l'éphémère d'un blanc lunaire,
Gouttes de perles oscillent un regard paré,
Bouche d'y voir sous un nappage glacé,
Blanc de ça turne pour corps morcelés,
Elles s'envolent légère. oh pâle gestuel,
glissent blanc dans l'air des lamentations cruelles,
pluient d'eux en neige à l'encre effacée,
Gravent blanc d'argent transept de ma colère.
MARYLENE
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rêve éphémère
Blanche est la lumière du soir
Et noires sont les étoiles
Pendant le Tsaagan Sar
Seul le silence se tient en équilibre
Corps flottants dans le blanc
De tous les blancs dedans
De l'hiver à la neige brûlante
Guirlande au fond agrandie
Toute de bleue horizontale
C'est le mois blanc
On mange blanc
Des nourritures opalines
Se dressent jusqu'au ciel
Plus large le segment
Et sa route enneigée
Un silence éclatant
Dans le temps suspendu
De l'écorce fendue
Et titube l'espace
Montagnes chavirées
Le blanc nous emporte
Nous donne la couleur
La dominante nous transperce
Douce ponctuation du passage
De l'automne à l'hiver
Et ses cendres dissoutes…
Voile de la mariée
Belle échappée
Dans le mois blanc
Mois éthéré
Poudré de blanc
Evaporé
Beauté glacée
Eve givrée
Désaltérée
Toute inondée
Gaze nacrée
Tant chevauchée
Dans le mois blanc
Mois éthéré
Souffle léger
Source bleutée
Chute drapée
Sacrée plongée
Après l'ondée
Mois éthéré...
Evaporé!
Lueur de Mongolie
Tant de sillons tirés à la blancheur des cieux
Lumière promise à une flamme intacte
Des chevaux en suspens
Dorment au paradoxe de trêves trop anciennes
Dans mes mains s'insinue la chaleur
Sans cesse au vent, au vide recréé
Du voile étarqué de ta chair
Des salves jusqu'à la lie chantée
Quelque espoir perpétuel de recommencement
Ouvrage d'une existence en excès souveraine
Catherine
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Dans un petit village, à l’Ouest de la Mongolie une mariée sort de l’église, fragile dans sa robe Ivoire. Un grand voile vaporeux flotte autour d’elle. Une couronne de fleurs blanches encadre son visage d’une blancheur extrême et elle tient à la main un bouquet d’ombelles. Elle est seule. Pas de mari à son bras, pas d’homme pour la guider, pour l’admirer, lui dire qu’il l’aime. Elle est seule et elle sourit.
« Ou est –il ? » lui demandent les passants étonnés de voir une mariée solitaire.
« La neige était si dense qu’il n’a pas pu venir » répond la mariée
E, chagrin rentré, sourires amers.
Dans un petit village à l’est de la Mongolie, un jeune homme habillé de blanc cassé sort de l’église sans mariée à son bras. Le ciel est blanc lunaire, les ombelles frissonnent. Il sourit. Il a tissé un long fil blanc d’argent jusqu’à sa fiancée. Elle le suivra pour arriver jusqu’à lui dans son pays couvert de neige blanc de lait.
Claire
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Rêves de Mongolie
Sur
Veille un faucon aux ailes déployées
Sa lente journée coupée de lueurs bleues
Il pose son corps près des ombelles froissées.
En ce mois de Tsaagan Sar, le soleil diffus
Penche un sourire pâle sur les plaines
Lumière fixe sur la nature voilée
Que trouble un renard furtif
Loin du terrier sur cette Terre Marâtre
Il quête son gibier dans les collines d’albâtre
Dans son manteau de poils rêches
Le guetteur épie sa horde de chevaux
Il crie, souffle et fouette sa lanière de peau
Sur l’immobile Terre de
L’écho assourdit
le galop éperdu d’un cheval égaré
en quête de son troupeau
Dans la yourte feutrée, l’éleveur de yaks somnole près du feu
C’est l’heure tranquille où
Sous sa tapisserie de cristaux, d’émaux, d’ivoire et de pépites diamantées.
Lise-Noëlle
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Le pays d’où je viens est la proie du silence.
Sur sa peau frissonnante court en tourbillons blancs
Le souffle conquérant du roi des fiers glaciers.
Il a délaissé ses lances et tissé patiemment, fil à fil,
Une couche d’argent où s’abîment les soucis et les rêves.
Ciel et terre sont mêlés d’une étreinte glacée.
De ses vieux doigts noueux il pique le grand suaire tranquille
Comme une parenthèse sur l’écheveau du temps.
Chaque flocon valse une symphonie lente et muette
qui vient mourir au bord des ancolies.
Et toute la nuit, sous l’œil rond de la lune, lente et muette,
La navette passe et repasse, mettant toutes choses au secret.
Il est temps que tout dorme et s’habille d’oubli.
Le matin déchire ses voiles de ténèbres,
Plonge son regard neuf sur les confins du monde.
Quelques pins interrogent l’azur de leurs silhouettes obscures.
Sur la pointe des pieds, rejetant par delà les montagnes
Son écharpe opaline,
Le monarque a quitté la terre qui s’ensommeille.
Un soleil blanc de lait berce de son sourire cette terre qui s’endort.
Sa candeur par degrés ronge l’éclat des cimes
Qui veillent alentour sur la vierge endormie dans son lit d’épousée.
Du haut de ses glaciers vaincus par tant d’ardeur,
Il contemple au flanc de l’endormie
La tache rouge sang d’une yourte
Où des gestes paisibles et lents
Vibrent dans le silence
En vagues de clarté.
Olivier