Alertoplum

Le Sac

L'affaire est dans le sac

 

Sac de nœuds, sac à ouvrages, sac à main, sac à malices, course en sac ?

 

Le sac n’est pas un objet ordinaire. Accessoire de mode, le sac n’a pourtant rien d’accessoire. Jean-Claude Kaufmann nous explique pourquoi il est l’un des lieux privilégiés où se fabrique l’identité.. Quant aux petites choses qu’il recèle, même les plus dérisoires ont beaucoup à dire. Il n’est pas rare, par exemple, qu’on y trouve des cailloux ! Et on aurait bien tort de se moquer. Car là se nichent mille pépites de sentiments et d’émotions. Jean-Claude Kaufmann n’en doute pas un instant : entre tendresse et passions, le sac est un vrai petit monde d’amour qu’il nous propose de partager.

 

 

 « Il y a le sac, bien sûr, le sac. Saurai-je en énumérer le contenu ? Non. Saurai-je répondre si quelque bonne âme venant à passer me demandait : « Winnie, ce grand sac noir, de quoi est-il rempli ? » Saurai-je répondre de façon exhaustive ? Non. Des profondeurs surtout, qui sait quel trésor, quel réconfort ?... Oui, il y a le sac. Mais je m'entends dire : «  N'exagère pas Winnie, avec ton sac. Profites-en, bien sûr pour aller de l'avant quand tu es coincée, bien sûr, mais sois prévoyante ». Je m'entends dire : « Winnie, sois prévoyante, pense au moment où les mots te lâcheront, et n'exagère pas avec ton sac. »

« Oh, les beaux jours » de Samuel Beckett – 1961-

 

La séance de sac
Cela commença quand j'étais enfant. Il y avait un grand adulte encombrant.

Comment me venger de lui  ?

Je le mis dans un sac. Là je pouvais le battre à mon aise. Il criait, mais je ne l'écoutais pas.

  Il n'était pas intéressant.
Cette habitude de mon enfance, je l'ai sagement gardée. Les possibilités d'intervention qu'on acquiert en devenant adulte,

outre qu'elles ne vont pas loin, je m'en méfiais.
À qui est au lit, on n'offre pas une chaise.
Cette habitude, dis-je, je l'ai justement gardée, et jusqu'aujourd'hui gardée secrète. C'était plus sûr.
Son inconvénient - car il y en a un - c'est que grâce à elle, je supporte trop facilement des gens impossibles.
Je sais que je les attends au sac. Voilà qui donne une merveilleuse patience.

Henri Michaux

 (La vie dans les plis 1949)

 



  Le sac

Lorsque tout est fini lorsque l'on agonise
snob un peu sur les bords des bords fondamentaux
le Turc de ce temps-là pataugeait dans sa crise
in ne trouve aussi sec qu'un sac de vieux fayots

Souvenez-vous amis de ces îles de Frise
on prépare la rote aux pensers sépulcraux
le gourmet en salade avale la cytise
les Grecs et les Romains en vain cherchent leurs mots

L'esprit souffle et resouffle au-dessus de la botte
comme à Chandernagor le manant sent la crotte
lorsque l'on boit du maté l'on devient argentin

Frère je comprends si parfois tu débloques
on mettait sans façon ses plus infectes loques
la gémellité vraie accuse son destin

Raymond Queneau
Cent mille milliards de poèmes

 

 

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Le sac de jute

 

Il a une odeur, il sent la lave, la cave, la nuit, la poussière, la terre, la sciure, la honte, la ficelle humide, la pomme de terre qui reste ganguée dans son terreau collant. Il est rèche. Il m'étoufferait bien si je me mettais dedans, bien que la trame en soit large, presque autant que la grille des burkas brodées au niveau du visage qui emprisonnent les rêves des femmes. Il sent la misère. Il n'enveloppe rien de précieux : des boulets de charbon, de vieux manteaux reclus, des légumes de guerre comme le rutabaga, des morceaux de laine à carder qui sentent encore le suin des troupeaux.

Mon sac. Ma vie. Ma misère. Mon sac.

J'en voudrai un pour mettre la douleur. J'en voudrai un pour rendre prisonnier ma douleur et ranger ce sac au sommet d'un vieux moulin de farine. Et bien malin serait celui capable de le reconnaître, mon sac, au milieu des  sacs de farine. Ma misère serait remisée dans mon grenier mental, dans mon oubliette, dans la soupente à petits grains de poussière voltigeant dans la lumière de la lucarne, dans le concerto du silence, et je n'aurais plus qu'à l'oublier...

MO

 

En voyage je vais repartir. Je prépare mon sac de marin , sac de mer, poche marine en gros jute, germé de gros œillets où je glisse mes bretelles pour l’arrimer à mon dos. C’est commode. En voyage j’ai les mains libres.

 Je marche. Une fois arrivé à destination, je vide le contenu de mon sac puis à nouveau, je l’emplis .

De toutes choses : galets, coquillages, portulans, plumes de kagou, d’autruche et de paon fleurs séchées de niaouli, écorces d’arbre-liège, dent de requin, écaille de tortue et avec ces objets, ce sont mes rêves que j’empile.

Et je repars, lesté de pistes vers d’étranges destinations.

 

Lise-Noëlle

 

Il est temps de revenir  à la maison de leur enfance. La grille rouillée grince lorsqu'ils la poussent, une végétation généreuse a envahi le chemin qui serpente jusqu'à la maison. Ils se fraient un chemin à travers cette nature envahissante. La maison, dissimulée sous les lierre et la glycine leur parait étrangère, les volets sont clos. Ils sont là devant la porte, un peu désorientés, impressionnés par le silence à peine interrompu des quelques pépiements d'oiseaux. Cette maison qui si souvent a résonné de leurs cris,  de leurs rires d'enfants semble muette à présent. Lentement, silencieusement, presque religieusement ils font tourner la clé dans la serrure. La porte résiste pour enfin dans un long gémissement leur laisser un faible passage. Ils sont venus là pour faire le vide car la maison est à vendre. Les objets, les meubles leur sont familiers et pourtant déjà étrangers. Elle gravit en tremblant les escaliers qui la conduisent à la chambre de sa grand-mère. Elle sait qu'il y a un secret dans l'armoire; sous les draps elle trouve l'aumonière dont sa grand-mère ne se séparait jamais. Elle était toujours attachée à sa ceinture. Sa grand-mère était si élégante, si calme, si douce. A-t-elle le droit d'ouvrir cette aumonière?  Elle l'entrouve puis la referme. Quand enfin elle l'ouvre, le secret est là. Des larmes  lui brouillent les yeux.

Marie Madeleine

 

Le sac à main.

 

Au voleur ! Au voleur ! A l’assassin ! Au meurtrier ! Juste ciel, on m’a volé mon or, on m’a volé mon sac à main ! Mais au fait, qu’avais-je dedans ? Que trouvera mon voleur pour son heur, et que puis-je perdre ?

 

D’abord mon identité : ma carte, mes papiers, tout ce qui nous est constamment demandé pour nous justifier. Suis-je donc une carte plastifiée, une photo d’identité, des empreintes digitales numérisées ? Non assurément : mon nom d’emprunt ne vaut rien et je le lui cède bien volontiers.

 

Mon portefeuille ensuite le bien nommé dans lequel je venais justement de ranger soigneusement mes faux billets ! Connaissez-vous le comble du voleur de sac à main ? Être pris la main dans le sac au moment de payer. On contrôle son identité parce qu’il sort de faux billets et se retrouve aux arrêts pour usage de faux et usurpation d’identité ; ça va chercher loin !

 

Le numéro de mon bien aimé ! Quel idiot je fais ! Et dire que je me moquais de toutes ces femmes qui fourrent leurs bijoux dans leur sac et exhibent cet objet de convoitise comme si elles voulaient se faire dépouiller ! Serais-je donc femme moi aussi ?

J.B.

 

LE CARTABLE 

Montant dans un wagon quasiment vide,je m'assis à mon habitude ,vers le milieu, près d'une fenêtre et me sauta aux yeux presqu'aussitôt, un cartable noir, au cuir lisse, (mais était-ce du cuir?) laissé sur un siège, trois rangées devant moi, sur la droite. Je pensai que son ou sa propriétaire était aux toilettes; mais comme rien d'intéressant n'attirait mon regard par la fenêtre,immanquablement je revins au cartable. Il pouvait  appartenir aussi bien à un élève qu'à un enseignant .Je le trouvai bien plat cependant en le comparant à ceux de mes petits enfants, si énormes qu'il leur faut l'aide de roulettes pour les traîner.

Je partis alors en rêverie... Pas de souvenir de mes propres cartables, peu nombreux d'ailleurs, hérités d'une de mes soeurs (j'étais la petite dernière). On les entrenaient soigneusement à l'époque et surtout ,on les gardait longtemps malgré l'usure apparente. Mais je me souvenais parfaitement de celui de maman,directrice d'école, bien plein, bien rangé ,avec deux poches sur le devant : l'un pour pour crayons, stylos, gommes etc.. l'autre pour toutes sortes de petits carnets. Ce cartable, on ne le touchait jamais ! On voyait en sortir des grands cahiers bleus, de  longs carnets de présence , noirs, et des liasses de petits cahiers d'élèves  que maman se mettait à corriger au moment où nous montions lire avant de dormir. Puis vinrent  à ma mémoires les nombreux cartables de mon plus jeune fils qui les oubliait à l'école (pas très grave sauf pour les leçons ou devoirs du jour), sur les trottoirs après avoir joué aux billes, ou à la gare quand il eût à prendre le train (il y oublia un jour son vélo et rentra à pied à la maison)

Je revins à mon cartable noir, là, toujours abandonné, personne pour en reprendre possession. Alors curieuse, juste avant l'arrivée, furivement j'allai l'ouvrir. VIDE, il était complètement vide .Je  fus déçue. Aucune vie à imaginer. RIEN

A la maison, j'ai toujours le vieux cartable de maman. Il n'est vas vide, lui... Quand elle nous a quitté, je l'ai rempli de photographies du temps où elle était jeune et nous aussi. Je ne l'ouvre pas souvent, comme lorsque j'étais enfant et que maman s'en servait mais, souvent, je le regarde.

Mariette 

 

Sac à papier

 

        Assise sur un banc, le regard vide, elle tire d’un sac en papier des chouquettes qu’elle enfourne sans penser, sans y prendre plaisir. Alfred l’a quittée et elle mange pour se redonner du courage. Le sac est maculé de taches grasses. Elle qui ne s’autorise jamais le moindre écart parce qu’elle veut garder la ligne, elle en avale une vingtaine en mastiquant ses regrets. Elle fait le tour des visages qu’elle connaît. Encore une ou deux chouquettes et sa décision est prise : ce sera Frédéric.

        Elle s’essuie la bouche avec un coin du sac et le laisse s’envoler comme un oiseau honteux et maladroit, comme un drapeau claquant sur ses plaisirs futurs.

        Un enfant passe : « Et les poubelles, c’est pour les chiens ? »

OLIVIER

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