Virginia Woolf
Virginia Woolf (1882- 1941) est une femme de lettres anglaise et une féministe. Les parents de Virginia étaient tous deux veufs lorsqu’ils se marièrent : ainsi leur maison regroupait les enfants de trois mariages différents. Laura, fille de Leslie et de sa première épouse fut diagnostiquée handicapée mentale et vécut avec eux avant d’être placée dans un asile en 1891. Parmi les 3 enfants de Leslie et Julia : Vanessa fut très proche de Virginia et Thoby fut son premier amour. Virginia avait libre accès à la vaste bibliothèque de son domicile qui lui permit de découvrir les classiques et la littérature anglaise.La mort de sa mère, décédée de la grippe, et celle de sa demi-sœur Stella deux ans plus tard, entraînèrent Virginia dans sa première dépression nerveuse. La mort de son père en 1904 provoqua son effondrement le plus inquiétant. Elle fut brièvement internée. Virginia épousa l'écrivain Leonard Woolf (1880–1969) Les époux avaient des liens très forts. Ils travaillaient ensemble en tant qu'éditeurs et fondèrent la maison d'Editions qui publia la plupart des œuvres de Virginia Woolf.Virginia Woolf rencontra Vita Sackville-West, bisexuelle comme elle. Après un essai, elles entamèrent une liaison qui dura longtemps.Virginia Woolf se suicide en 1941. Elle remplit ses poches de pierres et se jette dans la rivière Ouse près de sa maison de Rodmell. Elle laisse une note à son mari : « J'ai la certitude que je vais devenir folle : je sens que nous ne pourrons pas supporter encore une de ces périodes terribles. Je sens que je ne m'en remettrai pas cette fois-ci. Tu m'as donné le plus grand bonheur possible...»
L'étude de sa vie et de ses œuvres par les psychiatres contemporains conduit à penser qu'elle présentait un trouble bipolaire alternant des épisodes de dépression et d'excitation, associés à une grande créativité qui peut conduire ces malades au suicide. Comme Proust elle place sa narration dans une chronologie diffractée où rêveries, états d'âme, pensées contradictoires, introspection, et style poétique lui ont permis de pousser la langue anglaise «contre les ténèbres ». En 2012, une nouvelle traduction des œuvres romanesques de Virginia Woolf est parue dans la Pléiade,. Virginia Woolf est donc la neuvième femme de lettres à entrer dans la Pleiade
Œuvres principales
La traversée des apparences publié en 1915
Lundi ou Mardi (1921) réédité en 1993
La chambre de Jacob (1922)
Trois guinées (1938)
Ecrire un texte avec les titres de ses oeuvres :
Nuit et jour elle se regardait dans la grande psyché ornée d’acajou qui séparait en deux la chambre de Jacob, son demi-frère. Elle venait à petits pas glissés, furtifs, sachant qu’il n’était pas là le lundi ou le mardi mais à son cours de piano chez Mme Dalloway. En se regardant ainsi, dans une chambre qui n’était pas la sienne, elle espérait réussir la traversée des apparences et comprendre ce qu’il y avait d’étrangeté en elle, ce petit quelque chose qui lui donnait toujours un air perdu entre nuages et vagues de la mer. Ce qui choquait tellement sa sœur Vanessa qui lui disait sans cesse : « Mais soit donc plus simple, tu n’as pas pour 3 guinées de jugeote. Orlando me disait hier qu’il t’avait vu sur la promenade au phare, gesticulant comme une folle ! » Virginia n’avait rien à répondre à ça. Elle savait bien que sa sœur avait raison mais quand auraient-elles donc, chacune, une chambre à soi !
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La station balnéaire : flux et reflux
Virginia Woolf a écrit cette nouvelle un mois avant sa mort… Pouvez vous imaginer cette ville de bord de mer en introduisant les 10 mots suivants, extraits du texte, dans l’ordre : coquillage, épingle, jouets, marins, miroirs, grappes, hareng, houppette, marée, saumâtre.
Première phrase : Comme dans toutes les villes de bord de mer, il y flottait une odeur de poisson.
Dernières phrases : Il y a des cerceaux et des couronnes par les rues. La ville a sombré au fond de l’eau. Seul affleure son squelette, dessiné par des lampes de fée.
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La station balnéaire : flux et reflux
Comme dans toutes les villes de bord de mer, il y flottait une odeur de poisson. On raconte qu’elle était plus vraie que nature. Le scénariste et l’équipe des décors avaient vraiment fait un travail formidable ; il ne manquait même pas un étal de coquillages. On raconte même que le jeune premier, arrivé tout droit d’Hollywood avait sur son épingle de cravate un diamant gros comme l’ongle.
Aujourd’hui, il ne reste plus rien de cette splendeur, la ville est comme un jouet dans le studio en ruine. On a du mal à imaginer, sous les sunlights, les marins en goguette, les starlettes gloussant devant les miroirs, les grappes d’enfants, les marchandes de harengs, la maîtresse en titre du réalisateur n’arrêtant pas de se poudrer le nez sur le plateau avec sa houppette. Le temps a passé et bien des marées se sont succédées. Le brillant est devenu saumâtre. Il y a des cerceaux et des couronnes par les rues. La ville a sombré au fond de l’eau. Seul affleure son squelette dessiné par des lampes de fée.
A.
La station balnéaire
Comme toutes les villes de bord de mer, il y flottait une odeur de poisson. J’arrivai un matin de décembre, lasse et frigorifiée. Je savais que ce serait mon dernier voyage. J’avais voulu revoir une dernière fois la mer et le jeu sans cesse renouvelé des vagues amères qui luttent contre le ciel. J’arrivai avec la marée, comme portée vers ce refuge qui me semblait le bout du monde. Des marins, sur la plage, tiraient les lourds filets de leurs barques qui s’enfonçaient sous le poids des harengs qui ponctuaient l’eau d’exclamations saumâtres. J’approchai du rivage et m’assis à côté d’un gros coquillage. La mer rythmait le temps et l’espace de son flux et reflux. Je mis le coquillage à mon oreille et j’écoutai. Longtemps.
L’eau vint lécher mes pieds et je repris soudain conscience de ma carcasse affaiblie que le vent mordait cruellement. Je me levai à regret et entrai dans la ville.
Je passais d’un pas pressé devant des devantures illuminées, le cœur sombre et amer. Mon regard fut alors attiré par une boutique de jouets anciens. Une grande poupée au visage de porcelaine semblait me fixer de son regard pétrifié. Ses cheveux d’un blond pâle étaient retenus par une épingle en une petite houppette. Au fond de la boutique de grands miroirs s’allumèrent, éclairés fugitivement par une auto qui passait. J’y devinai fugitivement mon image. Je ne reconnus pas ce visage creusé et comme absent encadré de boucles grises qui pendaient comme des grappes flétries. Seuls les yeux pleins d’un feu sombre me ramenaient à moi-même : c’était le regard de colère et d’angoisse mêlées que j’avais enfant lorsque je sentais le monde m’échapper.
Je repris ma marche silencieuse, rythmée de souvenirs enfouis qui remontaient et se télescopaient en vagues lumineuses.
L’eau qui lèche mes pieds me ramène dans un éclair fugace à la réalité. La ville présente son visage endormi et blafard à la lune. Il y a des cerceaux et des couronnes par les rues. La ville a sombré au fond de l’eau. Seul affleure son squelette, dessiné par des lampes de fée.
OL
La station balnéaire : flux et reflux.
Comme dans toutes les villes de bord de mer, il y flottait une odeur de poisson. Ces coquillages en miettes mêlaient leur nacre au sable traînant sur les planches de la jetée. De belles dames riches, élégantes et lourdes trébuchaient souvent sur les planches disjointes et les épingles de leurs chapeaux tombaient dans les interstices. Elles s’affolaient. Elles essayaient de les saisir de leurs gros doigts boudinés. Elles appelaient à l’aide leurs maris, leurs enfants, leurs bonnes. Quelques enfants acceptaient de laisser leur jouets un instant pour connaître les raisons d’un tel désespoir mais c’étaient toujours des marins qui s’approchaient en riant pour leur venir en aide tout en lorgnant du côté de leur corsage. Quand enfin l’un ou l’autre de ces garçons musclés se relevaient en brandissant victorieusement la fameuse épingle à tête de perle, c’étaient des hourras, des « merci » « merci », tout un charivari de cris divers où se mêlait le chant lugubre des mouettes affolées. Les grosses dames jetaient un œil à leur miroir, remettaient l’épingle à leur chapeau déjà encombré de grappes de roses et de plumes empanachées, inconscientes de l’horrible odeur mi-patchouli, mi-hareng que leurs corps dégageaient après toute cette agitation au soleil. Mais les marins en avaient vu d’autre, ce n’était pas une petite odeur de poisson qui allait les effaroucher. Ils les lorgnaient d’un air gourmand quand elles sortaient de leur sac houppette et poudre de riz pour remettre un peu d’ordre dans leur visage écarlate mis à mal par toutes ces émotions.
Puis tout rentre dans l’ordre. Les marins s’éloignent, l’heure de rejoindre leur bateau est imminente. C’est le soir. Triste comme la fin d’une fête. Il y a des papiers de gâteaux sur les planches déjà léchées par les eaux saumâtres de la marée montante. Il y a des cerceaux et des couronnes par les rues. La ville a sombré au fond de l’eau. Seul affleure son squelette dessiné par des lampes de fée.
Mo.
La station balnéaire : flux et reflux.
Comme dans toutes les villes de bord de mer, il y flottait une odeur de poisson. Marnage régulier, mortelle berceuse. Si seulement elle avait porté un coquillage à son oreille, elle aurait senti l’amertume qui perlait, menaçante comme une épingle perçante. Sens endormis. Jouets sur le sable, innocence éphémère. Les marins eux-mêmes ne sauront pas déjouer la déferlante qui est en train de naître. Regards dans les miroirs, désirs en grappes qui vont et s’en vont, se font et se défont, au rythme du flux et du reflux. Hésitation des regards. Certitude olfactive : ça pue le hareng. Carnaval. Un môme à houppette hurle sa joie d’être à la mer. Il se sait pas encore que la marée va l’emporter, va tout submerger dans une eau saumâtre. Il y a des cerceaux et des couronnes par les rues. La ville a sombré au fond de l’eau. Seul affleure son squelette, dessiné par des lampes de fée.
Jean-Baptiste
La station balnéaire : flux et reflux.
Comme dans toutes les villes de bord de mer, il y flottait une odeur de poisson. Sous les pontons où s’accrochaient carapaces de crabes, coquillages et débris de toutes sortes, elle se condensait en des effluves qui vous saisissaient. Virginia les parcourait à toute allure tant elle détestait ces relents pourtant familiers ? Le pied à peine posé sur les planches, elle se dépêchait de retirer les épingles de ses cheveux et les ramenait en écharpe sur son nez et sa bouche. Ce jour là elle revenait de l’école. La porte tout juste refermée, elle sentit une bonne odeur de gâteaux frais préparés pour son goûter par la plantureuse Nanny noire toujours habillée de blanc qui la gâtait et qu’elle affectionnait. Le manteau vite enlevé, jeté sans soin au sol de l’entrée elle alla retrouver ses jouets dans sa chambre. Elle délaissa la caisse où étaient rangés ceux "de quand elle était petite " la plupart en bois, taillés par des marins au long cours dont toutefois elle ne voulait absolument pas se défaire. Sensible, fragile, d’humeur un peu sombre elle avait demandé à décorer ses murs de plusieurs miroirs de tailles différentes. Elle s’y regardait souvent : en jouant, lisant, faisant ses devoirs, ses gammes ; même de son lit, allongée, position qu’elle prenait souvent pour rêver, elle pouvait se voir. Ainsi, elle se entait moins seule. Des grappes de visages l’entouraient ; elle leur parlait comme à des amies ? Etrange petite fille qui adorait la poésie comme un refuge. Elle recopiait ses préférées, en illustrait certaines, les collait aux murs qui ainsi lui parlaient. Juste au dessus de son lit était suspendu, se balançant au bout d’un fil rose un carton rose en forme de poisson où l’on pouvait lire le poème du hareng saur sec, sec, sec. Son père, propriétaire de pêcheries et conserveries dédiées au hareng, à l’origine de sa fortune, l’avait accroché à son berceau au jour de sa naissance.
Bien sûr, Virginia le connaissait par cœur ; elle le murmurait souvent en pensant à son père bien trop absent, qui lui manquait tellement. Il était devenu un talisman précieux. Pour un goûter de qualité il fallait se faire belle et se déguiser. Deux malles pleines de costumes, de tissus, de fanfreluches, de fleurs artificielles et même de faux bijoux suffisaient à cette fantaisie quotidienne et comblaient sa frénésie à être plusieurs en une. Le maquillage faisait partie de la transformation. Comme un rituel, elle terminait toujours son oeuvre par deux touches rose vif sur chaque joue à coup de houppette bien appuyé. Ayant terminé sa métamorphose, elle se contemplait dans ses multiples miroirs quand elle remarqua un bruit ou plutôt un vacarme inhabituel. A marée montante la mer claquait fort sous les pontons mais jamais aussi fort. De plus une odeur saumâtre avait envahi sa chambre et remplacé le doux fumet de pâtisserie. Mais où était Nanny ? Elle ouvrit la porte. L’eau entra à flots et avec elle la nounou affolée qui la tirait vivement hors de son lit douillet. Elles s’enfuirent de la maison. Il y avait des cerceaux et des couronnes par les rues. La ville avait sombré au fond de l’eau. Seul affleurait son squelette, dessiné per des lampes de fée. Marion en, costume de fée serrant la main de sa Nanny, rêvait au dessus des flots.
Mariette